Lavoir
de la
route St-Dulcet
à partir du récit
de Mr Desmoulin-Catonnet
Chamberet
Le bourg de Chamberet, construit sur une très grande nappe phréatique, n’a jamais manqué d’eau.
Au début des années 1930, cinq lavoirs publics furent construits dans le bourg de Chamberet. Tous identiques, couverts, en ciment. Aujourd’hui de ces cinq lavoirs il n’en reste plus qu’un, situé route de Saint-Dulcet.
C’était Mr Masmonteil qui était maire de Chamberet et qui avait fait construire ces lavoirs. Il était aussi maire du 19ème arrondissement de Paris. On dit qu'il réussissait à faire profiter à Chamberet des « surplus » des budgets parisiens et de certains aménagements nouveaux qui avaient cours dans la capitale.
En face de ce qui est actuellement un supermarché dans le centre-bourg, furent ainsi construits une halle de marché, des douches et des toilettes publiques, ainsi qu'un lavoir public. Ce complexe, preuve de modernité de Chamberet pendant des décennies, a finalement été démoli dans les années 70. La démolition des trois autres lavoirs a suivi pour permettre l’élargissement de la voirie ou des places de parking.
L’époque des lavoirs dans le bourg de Chamberet a donc été relativement courte. Elle a correspondu à la période faste pour l’Auberge du Prat – Hotel du Commerce Catonnet, où sont apparues, dans les mêmes décennies, plusieurs autres innovations modernes liées à l’eau. Il y a eu l’eau chaude dans les robinets dans les chambres dès 1930 ; on pouvait se faire servir un verre avec un glaçon grâce à un réfrigérateur installé juste après guerre ; on pouvait boire ce verre accoudé à un bar en étain… enfin, si on osait, parce que ce bar était le premier de la région, et on n’avait pas encore l’habitude, pas les réflexes incorporés pour s’y accouder avec naturel.
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L’auberge employait beaucoup de personnel et d’extras, surtout les jours de foires. Les familles paysannes des alentours envoyaient leurs filles travailler à l’auberge, avec l’idée qu’elles y apprendrait non seulement toutes les tâches nécessaires à la tenue d’une maison, mais aussi les manières, les « bonnes » manières de parler en côtoyant du monde venant des villes.
Une des tâches principales dont ces jeunes employées devaient s’acquitter à l’auberge ? La lessive ! Les nappes, les serviettes, les torchons, les draps… Tous ces tissus étaient choisis pour faire moderne eux aussi, achetés à Limoges, ou au marchand de tissu qui venait régulièrement à Chamberet. Les laveuses de l’auberge allaient au lavoir place du champ de foire.
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Peut-être que certains matins elles entendaient les stands de la foire en train d’être installés, ou les enfants qui jouaient à chat perché sur le toit du lavoir. Peut-être que, loin des patrons « parisiens » et des clients, elles pouvaient entre elles parler tranquillement patois sans avoir à s’auto-censurer sur les mots qu’elles prononçaient. Peut-être qu’elles se racontaient des bribes de conversations de certains clients qu’elles auraient entendues : conversations entre le juge de Tulle et sa femme (qui à une époque venaient manger tous les dimanches), entre voyageurs de commerce, entre vacanciers et vacancières venant de Paris, avec le facteur, avec certaines dames voyageuses. Peut-être que, anthropologue sans diplômes, elles comparaient et analysaient les multiples manières de parler et se comporter dont elles étaient témoins à l’auberge – peut-être sérieusement, peut-être pour s’en moquer. Peut-être que certaines d’entre elles auraient été les journalistes les plus incisives, les historiennes les plus affûtées de la ville de Chamberet - mais elles n’ont pas laissé de traces écrites.